dimanche 7 juin 2015


Depuis l’adoption des principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1976, les outils de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) développés dans le monde sont orientés prioritairement vers les multinationales. Elles sont la principale cible des ONG internationales qui dénoncent régulièrement leurs faibles engagements sociétaux.
Face à ce constat, des multinationales ont trouvé l’astuce de créer des partenariats avec ces mêmes ONG. En échange de financements, ces dernières valorisent leurs projets communs au détriment, souvent, des questions centrales en lien avec le cœur d’activité de l’entreprise.
L’autre enjeu majeur est l’ombre que les ONG internationales, qui sont dans une certaine mesure des multinationales, font aux ONG et aux syndicats locaux. Une autre pratique regrettable des multinationales est de délocaliser la RSE à leurs fondations.
Des rapports pour éviter les dérives
Pour sortir de cette confusion et aller plus loin que la philanthropie, il est urgent que chaque filiale de multinationales en Afrique publie un reporting RSE (PDF), dont les questions centrales sont en lien avec leur activité industrielle. Sur cette base, on peut définir les modalités d’un partenariat public/privé pour la création de valeurs partagées avec toutes les parties prenantes.
L’obligation de reporting est d’ailleurs une exigence des articles 46 et 47 de la déclaration du sommet de Rio, organisé par l’ONU en juin dernier au Brésil. Il revient donc aux autorités africaines de fixer le cadre politique de la RSE.
Après la consolidation de leur marché national, nombreux sont les groupes africains qui se sont lancés à la conquête des marchés dans d’autres pays. Devenues de véritables multinationales, ces sociétés transnationales africaines ne paraissent, pourtant, sur aucun radar mondial de RSE.
À l’exception de quelques pays, l’absence de politiques publiques RSE, de sanctions pour non respect des réglementations sociales et environnementales ou d’obligation par les bourses régionales de publier les rapports extra-financiers, laisse parfois le champ libre à des dérives.
Toutefois, ces entreprises prennent aussi conscience qu’elles doivent remplir une mission sociétale. Mais elles réagissent souvent par la philanthropie et non par une démarche RSE bien structurée. Ici aussi, le reporting et le partenariat public/privé dans une stratégie gagnant-gagnant sont à mettre en œuvre. Et comme pour les multinationales, le cadre politique reste à définir.
Encourager la RSE à tous les échelons africains
L’Union africaine peut impulser la dynamique. Mais nous sommes convaincus que les organisations patronales et le réseau des Chambres de commerce et d'industrie (CCI) africaines pourraient prendre le leadership sur cette thématique, d’autant que leurs membres sont directement concernés. Grâce à sa structuration tripartite (gouvernement, patronat et syndicats), le département Afrique de l’Organisation internationale du travail (OIT) serait un bon catalyseur de l’agenda de la RSE sur le continent.
Pour les PME et TPE, des entreprises légalement constituées, mais dont le mode de fonctionnement se rapproche de l’informel, notamment sur les questions sociales et environnementales, la priorité est de sensibiliser des dirigeants aux enjeux stratégiques et économiques de la RSE. Il faudrait former quelques cadres et renforcer leurs capacités sur le sujet.
La mise en place de la RSE devrait suivre une démarche progressive. Dans un premier temps, insister sur les indicateurs qui ont un intérêt économique immédiat pour l’entreprise: l’eau, l’énergie et les déchets. Parallèlement à la réduction des flux et des matières, on pourrait mettre en exergue la relation entre la sécurité sociale du salarié (travail décent, contrat de travail et déclaration à la sécurité sociale) et la productivité de l’entreprise.
Une arme contre l’économie informelle
Selon le Bureau international du travail, l’économie informelle fournit près de 72 % des emplois en Afrique. Ce sont des emplois sous-payés, indécents et souvent exercés dans des conditions sanitaires et de sécurité déplorables.
En plus d’échapper à la fiscalité des entreprises, le secteur informel a un coût sanitaire et environnemental élevé pour la population et la collectivité. À cause de l’absence de système de management environnemental, certaines activités informelles (laboratoires photo, blanchisseries ou garages) ont de graves conséquences écologiques.
Dans le cadre d’un partenariat entre l’État, les collectivités territoriales et le secteur privé, on pourrait imaginer une démarche progressive vers la formalisation, avec quelques indicateurs de RSE comme substrat. Là aussi le patronat et les CCI ont un rôle important à jouer, car le secteur informel exerce une concurrence déloyale sur le secteur formel.
On évoque rarement la connexion entre l’économie informelle et formelle en Afrique. C’est le cas, par exemple, de l’industrie agro-alimentaire et des opérateurs de télécommunication, où les distributeurs finaux sont dans l’informel. Or, ils n’apparaissent dans aucun rapport d’activités. Dans le cadre de la RSE subie ou d’un partenariat avec les autorités publiques, ces industries devraient soutenir la formalisation de leur chaîne de valeur.

Source : youphil.com