Depuis l’adoption des principes directeurs de l’Organisation
de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1976, les outils de
responsabilité sociétale des entreprises (RSE) développés dans le monde sont
orientés prioritairement vers les multinationales. Elles sont la principale
cible des ONG internationales qui dénoncent régulièrement leurs faibles
engagements sociétaux.
Face à ce constat, des multinationales ont trouvé l’astuce
de créer des partenariats avec ces mêmes ONG. En échange de financements, ces
dernières valorisent leurs projets communs au détriment, souvent, des questions
centrales en lien avec le cœur d’activité de l’entreprise.
L’autre enjeu majeur est l’ombre que les ONG
internationales, qui sont dans une certaine mesure des multinationales, font
aux ONG et aux syndicats locaux. Une autre pratique regrettable des
multinationales est de délocaliser la RSE à leurs fondations.
Des rapports pour éviter les dérives
Pour sortir de cette confusion et aller plus loin que la
philanthropie, il est urgent que chaque filiale de multinationales en Afrique
publie un reporting RSE (PDF), dont les questions centrales sont en lien avec
leur activité industrielle. Sur cette base, on peut définir les modalités d’un
partenariat public/privé pour la création de valeurs partagées avec toutes les
parties prenantes.
L’obligation de reporting est d’ailleurs une exigence des
articles 46 et 47 de la déclaration du sommet de Rio, organisé par l’ONU en
juin dernier au Brésil. Il revient donc aux autorités africaines de fixer le
cadre politique de la RSE.
Après la consolidation de leur marché national, nombreux
sont les groupes africains qui se sont lancés à la conquête des marchés dans
d’autres pays. Devenues de véritables multinationales, ces sociétés
transnationales africaines ne paraissent, pourtant, sur aucun radar mondial de
RSE.
À l’exception de quelques pays, l’absence de politiques
publiques RSE, de sanctions pour non respect des réglementations sociales et
environnementales ou d’obligation par les bourses régionales de publier les
rapports extra-financiers, laisse parfois le champ libre à des dérives.
Toutefois, ces entreprises prennent aussi conscience
qu’elles doivent remplir une mission sociétale. Mais elles réagissent souvent
par la philanthropie et non par une démarche RSE bien structurée. Ici aussi, le
reporting et le partenariat public/privé dans une stratégie gagnant-gagnant
sont à mettre en œuvre. Et comme pour les multinationales, le cadre politique
reste à définir.
Encourager la RSE à tous les échelons africains
L’Union africaine peut impulser la dynamique. Mais nous
sommes convaincus que les organisations patronales et le réseau des Chambres de
commerce et d'industrie (CCI) africaines pourraient prendre le leadership sur
cette thématique, d’autant que leurs membres sont directement concernés. Grâce
à sa structuration tripartite (gouvernement, patronat et syndicats), le
département Afrique de l’Organisation internationale du travail (OIT) serait un
bon catalyseur de l’agenda de la RSE sur le continent.
Pour les PME et TPE, des entreprises légalement constituées,
mais dont le mode de fonctionnement se rapproche de l’informel, notamment sur
les questions sociales et environnementales, la priorité est de sensibiliser
des dirigeants aux enjeux stratégiques et économiques de la RSE. Il faudrait
former quelques cadres et renforcer leurs capacités sur le sujet.
La mise en place de la RSE devrait suivre une démarche
progressive. Dans un premier temps, insister sur les indicateurs qui ont un
intérêt économique immédiat pour l’entreprise: l’eau, l’énergie et les déchets.
Parallèlement à la réduction des flux et des matières, on pourrait mettre en
exergue la relation entre la sécurité sociale du salarié (travail décent,
contrat de travail et déclaration à la sécurité sociale) et la productivité de
l’entreprise.
Une arme contre l’économie informelle
Selon le Bureau international du travail, l’économie
informelle fournit près de 72 % des emplois en Afrique. Ce sont des emplois
sous-payés, indécents et souvent exercés dans des conditions sanitaires et de
sécurité déplorables.
En plus d’échapper à la fiscalité des entreprises, le
secteur informel a un coût sanitaire et environnemental élevé pour la
population et la collectivité. À cause de l’absence de système de management
environnemental, certaines activités informelles (laboratoires photo,
blanchisseries ou garages) ont de graves conséquences écologiques.
Dans le cadre d’un partenariat entre l’État, les
collectivités territoriales et le secteur privé, on pourrait imaginer une
démarche progressive vers la formalisation, avec quelques indicateurs de RSE
comme substrat. Là aussi le patronat et les CCI ont un rôle important à jouer,
car le secteur informel exerce une concurrence déloyale sur le secteur formel.
On évoque rarement la connexion entre l’économie informelle
et formelle en Afrique. C’est le cas, par exemple, de l’industrie
agro-alimentaire et des opérateurs de télécommunication, où les distributeurs
finaux sont dans l’informel. Or, ils n’apparaissent dans aucun rapport
d’activités. Dans le cadre de la RSE subie ou d’un partenariat avec les
autorités publiques, ces industries devraient soutenir la formalisation de leur
chaîne de valeur.
Source : youphil.com